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Et, chose curieuse, non seulement cette population donnait des preuves d’une énergie morale incroyable, mais aussi d’une vigueur physique encore plus surprenante.

Ces hommes, habitués souvent à une vie sédentaire, molle et malsaine, ou surmenés par un travail excessif, employés, petits boutiquiers, calicots, ouvriers d’ateliers, les uns trop gros et ventrus, les autres trop maigres et fluets, passaient les nuits au rempart, sans dormir, exposés aux rigueurs d’un froid exceptionnel, n’en paraissaient pas incommodés, rentraient après vingt-quatre heures de ce service pénible, se reposaient douze heures, et repartaient joyeux et dispos.

Ajoutons que la plupart étaient mal vêtus, n’ayant ni capotes, ni peaux de mouton, ni paille, comme les soldats, à peine protégés par la mauvaise vareuse et le pantalon transparent, qu’ils devaient à la munificence du gouvernement.

Quelques-uns moururent de maladies contractées de la sorte, mais l’immense majorité ne souffrit point de ce nouveau régime, et, en peu de temps, je l’ai déjà dit, les bataillons de marche, composés des hommes les plus jeunes et les plus robustes, offrirent un aspect martial et vigoureux, qui faisait l’admiration du public et le désespoir de Trochu.

Il fallut bientôt ajouter à toutes ces fatigues, le manque de nourriture ou une nourriture insuffisante.

En effet, le gouvernement n’ayant jamais voulu procéder au rationnement sérieux des provisions considérables entassées dans Paris, ni consentir à en faire la distribution équitable et gratuite à tous les citoyens, sauf à faire supporter