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française, le cerveau enfiévré et puissant d’un peuple nerveux, impressionnable, marchant à travers l’histoire par bonds prodigieux, suivis de chutes effroyables, se relevant, retombant, reprenant son vol, et, chaque fois qu’il est debout, marquant de son sang généreux, versé à flots, une nouvelle étape de l’humanité vers le progrès.

il a de ces brusques changements qui tiennent de la féerie. Hier, c’était la ville de joie impériale ; aujourd’hui, c’est la cité de l’austère devoir patriotique ; demain, ce sera le volcan révolutionnaire roulant sa lave héroïque sur le vieux monde effaré du privilège et de l’iniquité.

Il faut avoir vu un de ces changements inouïs, pour en comprendre l’étrange grandeur, l’originale beauté.

Cette population que l’on croyait, depuis vingt ans, efféminée, gangrenée jusqu’à la moëlle, qui ne montrait au-dehors que ses filles, ses petits crevés, sa magistrature déshonorée, son clergé à plat ventre, ses généraux éclos dans le charnier du 2 Décembre, son Corps législatif où présidait Schneider, son Sénat grotesque, ses Granier de Cassagnac, ses de Pêne, ses Tarbé et ses Villemessant faisant trottoir pour le compte de l’Empire, cette population se retrouva, se nettoya, s’épura, se redressa en quelques heures.

Paris devint un vaste camp où, nuit et jour, un peuple entier veillait en armes sur le salut de la cité.

Dans les promenades, dans les squares, le long des boulevards et des rues, dans le plus petit carrefour, partout où l’on pouvait aligner dix hommes, les citoyens faisaient l’exercice, au soleil, à la pluie, à la neige, avec un zèle patient et persévérant que rien ne lassait.