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pain d’avoine, le veau malade et le cheval maigre, et ne trouvait aucun charme à la sublime horreur de la canonnade.

Le peuple de Paris, qui ne croyait pas au républicanisme des Favre, des Simon et des Trochu, croyait à leur patriotisme, et voulait espérer qu’ils seraient au moins Français, s’ils n’étaient ni démocrates, ni révolutionnaires.

Avec Picard, nulle illusion. On savait qu’il livrerait Paris, dès qu’il aurait peur, et qu’il aurait peur tout de suite, mais il passait dans le tas, et on se disait :

— Après tout, ce n’est qu’une voix !

Picard ne trompa point l’attente du peuple.

Dans les conseils du gouvernement, il se prononça contre une résistance insensée et malsaine, demanda l’armistice, jusqu’au jour où, changeant le mot, il demanda la capitulation.

Heureusement, il y a des hommes bien doués, chez qui la peur ne dérange que les intestins Picard était bien doué ! Il ne perdit pas la tête, s’attribua le ministère des finances, ce qui ne le ruina point, et gagna beaucoup d’argent avec le journal de son frère, à qui il livrait, douze heures d’avance, les dépêches, les nouvelles et parfois les résolutions de ses collègues.

Somme toute, il restera comme l’homme le plus estimable du gouvernement de la Défense Nationale, et il en sortit à son honneur, puisqu’il en sortit gras, même après la famine du dernier mois.

Lui aussi, d’ailleurs, comptait attraper un ministère de la munificence de Napoléon III, et n’avait pas lieu d’être content que Paris eût changé cette bonne place, contre un poste d’honneur, de péril et de dévouement.