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Il n’y eut pas un acte de violence, pas un mouvement de colère.

Tout un peuple poussait un long soupir de soulagement, et regardait autour de lui avec l’air de joie et de délivrance d’un homme qui, au sortir d’un affreux cauchemar, voyant des visages amis à son chevet, comprend que le mauvais rêve est passé.

On n’entendait que des paroles d’espoir, des vœux héroïques, des promesses de dévouement. La foule invoquait la République, comme une sorte de talisman qui devait la sauver de tous les dangers, lui donner l’énergie et le pouvoir de briser tous les obstacles.

De l’Empire, on ne parlait guère ; je crois même qu’on n’y pensait plus.

L’Empire, c’était le passé, c’était la honte, c’était la mort, et le peuple de Paris, avec cette admirable faculté qui fait sa grandeur et qui le perd, vivait déjà dans l’avenir, enivré par son propre idéal, jugeant avec les élans de son cœur, trop plein de généreuses aspirations, de nobles vouloirs et d’héroïsme instinctif, pour que la haine y trouve place.

Ce peuple martyr, ce peuple messie, sait lutter et mourir : il ne sait pas haïr !

C’est pour cela qu’il succombe.

Il marche en avant, les yeux fixés sur son but, but éloigné, but élevé, et, comme l’astronome de la fable, il ne voit pas l’abîme béant creusé sous ses pas. Il rêve l’affranchissement du monde, le bonheur de l’humanité ; il y court d’une course folle et sublime, et trébuche sur un Jules Favre, ou sur un Thiers, qui l’assassine lâchement par derrière.

Sur la place de la Concorde, le spectacle était