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— Monsieur, ne restez pas là, vous allez vous faire tuer !

Mot révélateur qui indique bien quels étaient les ordres donnés, et prouve que l’Empire agonisant songeait encore aux massacres.

Pour refaire le 2 Décembre, il ne lui manquait que des soldats.

Une heure après environ, un homme assez grand, sans moustache, avec des favoris en côtelette, entrait dans le Café de Madrid, réclamait un peu de silence pour une communication importante, et s’exprimait en ces termes :

« Messieurs, je suis le frère de Jules Ferry. Je viens, en son nom et au nom de la gauche tout entière, vous avertir que le Corps législatif est réuni pour une séance de nuit. Les députés de la gauche déposent en ce moment même une demande de déchéance. Venez donc tous autour du Corps législatif, tâchez d’amener avec vous le plus de monde possible. Il faut que le peuple soit là pour appuyer ses représentants. »

La démarche et le discours de ce monsieur étaient parfaitement ridicules. Ce n’est pas à onze heures du soir, dans un café du boulevard, que l’on convoque le peuple pour une action révolutionnaire.

Le peuple n’était pas là, et une centaine d’individus, tout au plus, suivirent l’orateur.

Cette convocation prouvait simplement que tous les Jules de la gauche avaient une peur horrible d’être arrêtes par les ordres de Palikao, ou de quelqu’un des coupe-jarrets ordinaires de l’Empire, et imploraient une manifestation populaire comme dernier refuge.

Un mot d’ordre plus intelligent parcourait en ce moment le boulevard à moitié désert.