Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v1.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ne comprend pas qu’il en est la première victime. Il ne comprend pas que ce champ n’est qu’un leurre, à peine suffisant à sa vie matérielle, et qui le pousse à abdiquer devant tous les pouvoirs, toutes les tyrannies, toutes les iniquités.

Il ne comprend pas que les mauvais gouvernements et les mauvaises lois font les lourds impôts qui le ruinent, qui le maintiennent en infériorité vis-à-vis du châtelain et du gros propriétaire.

Il ne comprend pas que son champ et son travail appartiennent en réalité au fisc, et qu’il souffre directement de tous les privilèges odieux dont il s’est fait partisan du jour où on lui a persuadé qu’il avait sa place au banquet des privilégiés,

jadis, il courait sus aux châteaux.

Aujourd’hui, il monterait volontiers la garde à la porte du château, se figurant son arpent de vigne ou de blé solidaire du parc seigneurial, sa chaumière solidaire du château.

Jadis, il se levait à la voix du peuple de Paris démolissant la Bastille.

Aujourd’hui, déguisé en soldat, il égorge avec une férocité implacable l’ouvrier révolté des villes, se figurant que cet ouvrier veut lui ravir la terre, le dépouiller de sa propriété.

Cette situation explique toutes les Révolutions qui se sont succédé en France, depuis 89, et leur avortement.

La Centralisation a tué la vie en province. La pensée nationale s’est disloquée. Elle abonde à Paris, à Lyon, à Marseille,

Elle est morte ailleurs.

Les aspirations ne sont plus unanimes, uniformes. Le paysan se croit des intérêts différents de l’ouvrier des villes.