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villes, lui, n’a absolument bénéficié en rien de la nouvelle situation, puisqu’il n’est point devenu propriétaire de son instrument de travail, et qu’il reste attaché à la glèbe du capital, comme jadis le paysan à la glèbe du seigneur.

Cette restitution apparente de la terre au paysan, opérée seule, dans de mauvaises conditions, avec une ignorance complète des lois économiques véritables, a eu l’effet qu’elle devait avoir, du moment où elle n’était pas suivie d’une réorganisation uniforme du milieu social.

Au lieu d’affranchir réellement le paysan, elle a été un boulet auquel il s’est rivé, qui arrête sa marche, qui l’immobilise, mais qui flatte sa manie d’ancien esclave voyant la liberté et la dignité dans la possession, sans s’inquiéter de savoir s’il ne paie pas cette possession plus cher qu’elle ne vaut.

Devenu propriétaire, quoique trop petit propriétaire pour être affranchi du servage d’un travail excessif qui absorbe toutes ses forces, toutes ses facultés ; devenu propriétaire dans un milieu où la propriété est un privilège inique, un simple abus de l’égoïsme individuel ; devenu propriétaire avant d’avoir pu développer son intelligence et retremper sa conscience dans le grand courant des idées modernes, ce champ qui paraît l’affranchir matériellement, l’a asservi moralement.

Serf autrefois, il rongeait son frein et se sentait solidaire de quiconque souffre, de quiconque est exploité.

Propriétaire aujourd’hui, il s’est fait complice de tous les exploiteurs, et conservateur forcené, sans choix, sans raisonnement, sans mesure, de peur qu’on lui enlève ce morceau de terre, — son idéal, sa passion, son bien !