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NuL doute que si M. Fournier avait connu la présente anecdote avant de finir sa piquante Histoire du Pont-Neuf, Paris, 2 vol., chez Dentu, 1862, il n’eût pas manqué d’ajouter le souvenir de Malherbe à ceux de Boileau, de Molière et de La Fontaine fréquentant le célèbre terre-plein.

Il remarque ailleurs (R. des provinces, p. 526, n. 2) que le goût de Malherbe pour la chanson populaire est conforme à son habitude de renvoyer « aux crocheteurs du Port-au-Foin…, ses maîtres pour le langage ». Mém. lxxix.

— La réforme de Malherbe fut, en somme, une réaction contre l'aristocratie littéraire de Ronsard ; elle fut démocratique, mais avec les procédés d’un dictateur. Il voulut avant tout faire rentrer la poésie française dans le naturel. Il est fâcheux qu’il ne se soit pas plus inspiré pratiquement de la naïveté populaire.


Malherbe et l’Elégie.

Anecdote 9.
P;214.

Quelqu’un lui demandant pourquoy il ne faisoit point

d’Elégies, Par-ce, dit-il, que je ne croy pas cela nécessaire, faisant bien des odes ; car qui sait sauter, sait bien marcher.

Cette anecdote est reproduite par Tallemant, I, 293, qui par exception n’est point aussi vif.

L’élégie et l’ode sont ici considérées par Malherbe au point de vue de laversification. L’élégie est un genre un peu flottant, dont les caractères n’ont jamais été très nettement fixés par les modernes (cf. ce que venait d’en écrire Vauquelin de la Fresnaye dans son Art poétique publié en 1612) : Malherbe semble entendre sous ce iiom une pièce de sujet triste, et de vers suivis, comme ses Larmes à Geneviève Rouxel (voir an. 1). Il l’oppose ici à l’ode qui « saute » et