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qu’était la douleur, qu’il serrait curieusement la barbe de la flèche dans son poing et tressautait en sentant sa pointe, et recommençait en pleurant à caresser non oiseau. Alors, vint quelqu’un qui dit : « Mon Prince a tiré un cygne qui est tombé ici au milieu des roses, il me charge de vous prier de le lui envoyer. Voulez-vous le faire ? » — « Non, répondit Siddârtha, si l’oiseau était mort, l’envoyer au meurtrier serait bien, mais le cygne vit, mon cousin n’a tué que la vitesse divine qui agitait cette aile blanche. » Et Dévadatta répliqua : « La bête sauvage vivante ou morte est à celui qui l’a abattue ; dans les nuages elle n’appartenait à personne, mais tombée elle est à moi. Donne-moi ma proie, mon cousin. » Alors notre Seigneur appuya le cou du cygne contre sa tendre joue et dit gravement : « Je vous dis non ! l’oiseau est à moi, c’est la première des myriades de choses qui m’appartiendront par le droit de la pitié et la toute puissance de l’amour. Car maintenant je sais par ce qui s’agite en moi que j’enseignerai la compassion aux hommes et que je serai un interprète du monde muet, et ferai diminuer le flux maudit de la douleur universelle. Mais si le Prince conteste, qu’il soumette le cas aux sages et nous attendrons leur décision. » Ainsi fut fait ; l’affaire fut débattue en plein divan[1], et les uns étaient d’un avis, les autres d’un autre,

  1. Conseil des ministres.