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le Grand Canal : c’est une rue liquide, large deux fois comme la rue Royale ; elle est couverte de gondoles qui vont et viennent avec un grand mouvement et en même temps un grand silence. On ne se figure pas quel bruit il y a de moins dans une ville où il ne passe jamais ni un carrosse, ni une charrette, ni un cheval. On prétend que Venise est une ville fort triste, cela peut être à la longue, mais il n’y en a pas de plus amusante le premier jour ; tout y est si différent de ce qu’on a vu toute sa vie, qu’on n’a pas assez d’yeux pour la regarder.

« Hier, en arrivant, j’éprouvais presque de la douleur d’un étonnement qui semblait au-dessus de mes forces, car, en donnant tout ce que je possède de facultés et d’attention, j’en donnais moins encore que l’objet n’en demandait. Cette pleine mer, au milieu de laquelle sort une ville, puis, un peu plus loin, des magasins, ensuite des lazarets, puis des barrières, tout cela séparé l’un de l’autre par cette mer ; cette ville où tout abonde et où il faut tout apporter, ces habitants dont la plupart n’ont jamais vu un champ, un arbre, une prairie ; ce