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Il arrive aussi quelquefois que l’on renferme les deux propositions de l’enthymème dans une seule proposition, qu’Aristote appelle, pour ce sujet, sentence enthymématique, et dont il rapporte cet exemple[1] :

Ἀθάνατον ὀργὴν μὴ φύλαττε θνητὸς ὤν.
Mortel, ne garde pas une haine immortelle.

L’argument entier serait : Celui qui est mortel ne doit pas conserver une haine immortelle ; or, vous êtes mortel : donc, etc., et l’enthymème parfait serait : Vous êtes mortel : que votre haine ne soit donc pas immortelle.


CHAPITRE XV

Des syllogismes composés de plus de trois propositions.


Nous avons déjà dit que les syllogismes composés de plus de trois propositions s’appellent généralement sorites[2].

On peut en distinguer de trois sortes : 1o les gradations, dont il n’est point nécessaire de rien dire davantage que ce qui en a été dit au premier chapitre de cette troisième partie ;

2o Les dilemmes, dont nous traiterons dans le chapitre suivant ;

3o Ceux que les Grecs ont appelés épichérèmes[3], qui comprennent la preuve ou de quelqu’une des deux premières propositions ou de toutes les deux ; et ce sont ceux-là dont nous parlerons dans ce chapitre.

Comme l’on est souvent obligé de supprimer dans les discours certaines propositions trop claires, il est aussi

  1. Rhét., ii, 21.
  2. Le mot sorite désignait dans l’antiquité le sophisme du tas, σωρός, dû à Chrysippe et Eubulide le Mégarien. Depuis le XVe siècle, on employa le mot de sorite pour désigner une accumulation de syllogismes.
  3. Le mot Épichérème (ἐπὶ, χείρ), avait dans l’antiquité des acceptions très-diverses, que Quintilien passe en revue au livre V de son Institution oratoire.