Qui parmi la verdure, étalant sa rougeur,
Avec le jour naissant disputait de fraîcheur.
Sur elle avec plaisir mon regard se repose ;
J’admire tour-à-tour son éclat, sa candeur,
Et plein d’émotion j’en savoure l’odeur.
O courte joie ! ô plaisir éphémère !
J’ignore quel souffle impur,
Pénétrant l’écorce légère,
Dissipa mon ivresse et d’un bonheur futur
Emporta l’espérance, hélas ! trop mensongère.
Je me refuse encore à de justes soupçons…
Cependant sur l’arbre que j’aime,
La feuille sans ressort fléchit sous elle-même ;
Et mon dernier espoir, les fragiles boutons,
Sur leurs rameaux flétris laissent tomber leurs fronts.
Comment d’un mal si prompt combattre le ravage ?…
Redoutant du soleil un rayon trop ardent,
A l’arbuste ma main prépare un doux ombrage ;
Son pied d’une eau limpide est baigné plus souvent ;
De la fraîcheur des nuits la cloche le défend…
Tout est vain ! la pâleur a terni son feuillage ;
Son tronc se dépouille et noircit ;
Tandis que la fleur en poussière,
S’envole, tombe et retourne à la terre,
Qui la fit naître et la nourrit.
Ainsi mes yeux t’ont vue, aimable Leonore,
Pâlir, sécher, languir et descendre au tombeau,
Quand de ta vie à peine avait brillé l’aurore,
Quand l’espoir t’entourait d’un avenirs si beau !
Innocente, sensible, hélas ! par quelle offense,
Pouvais-tu mériter un sort si rigoureux ?
Mais je connais du ciel la jalouse puissance,
Nous étions criminels, nous étions trop heureux !
Un tel forfait criait vengeance !
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