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abandonne, le sentiment est mort. Pourquoi nous remplir de noirs présages ? Quand nous sommes frappés nous recevons le coup, mais sans en sentir la douleur. La cloche funèbre, le drap mortuaire, la bêche, le tombeau, la fosse humide et profonde, les ténèbres et les vers, tous les fantômes qui s’élèvent sur le soir de la vie et obsèdent le vieillard, sont la terreur des vivans. Victime de sa folle imagination et malheureux par son erreur, l’homme invente une mort qui n’est point celle que la nature a faite, et par la crainte d’une seule, il en éprouve mille. Écartons d’une main courageuse ces simulacres trompeurs. La tombe est hermétiquement fermée ; il n’en transpire aucun secret chez les vivans.

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Depuis deux fois le temps que les Grecs employèrent à réduire la superbe Troie, je m’obstinais à assiéger sans succès les faveurs de la cour. Hélas ! que l’ambition est un mauvais moyen de s’enrichir ! Elle n’a fait qu’appauvrir encore le peu que je possédais, en empoisonnant sa jouissance. Pourquoi désirer ? c’est de toutes les occupations la plus cruelle. Donnez-moi l’homme le plus robuste et dans la santé la plus florissante : l’ambition en fera bientôt une ombre pâle et décharnée. Eussiez-vous tous les trésors du Nouveau-Monde, si vous avez encore de l’ambition et des désirs, vous resterez pauvre. Air pur, repas frugal, dons précieux de la vie champêtre, c’est vous qui m’avez enfin guéri de cette maladie contagieuse des Cours.

Bénie soit à jamais la main divine qui m’a conduit sous l’abri de cette humble chaumière où j’ai trouvé le doux repos de mon âme. Le monde est un vaisseau pompeux flottant sur des mers dangereuses : on le regarde avec plaisir ; mais on ne l’aborde qu’avec péril. Ici en sûreté, jetté à terre sur une simple planche, j’entends le tumulte confus de la foule, comme le mugissement des mers éloignées ou le bruit sourd de la tempête mourante ; et en méditant dans un calme profond mon sujet sérieux, j’apprends à combattre les terreurs de la mort. Ici