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Qui dans l’ombre a vécu de lui-même ignoré.
Eh bien ! si de la foule autrefois séparé,
Illustre dans les camps, ou sublime au théâtre,
Son nom charmait encor l’univers idolâtre,
Aujourd’hui son sommeil en serait-il plus doux ?
De ce nom, de ce bruit, dont l’homme est si jaloux,
Combien auprès des morts j’oubliais les chimères !
Ils réveillaient en moi des pensées plus austères.
Quel spectacle ! d’abord, un sourd gémissement
Sur le fatal enclos erra confusément.
Bientôt les vœux, les cris, les sanglots retentissent ;
Tous les yeux sont en pleurs, toutes les voix gémissent.
Seulement j’aperçois une jeune beauté
Dont la douleur se tait, et veut fuir la clarté :
Ses larmes, cependant, coulent en dépit d’elle ;
Son œil est égaré, son pied tremble et chancelle ;
Hélas ! elle a perdu l’amant qu’elle adorait,
Que son cœur, pour époux, se choisit en secret ;
Son cœur promet encor de n’être point parjure,
Une veuve, non loin de ce tronc sans verdure,
Regrettait un époux, tandis qu’à ses côtés
Un enfant qui n’a vu qu’à peine trois étés,
Ignorant son malheur, pleurait aussi comme elle.
Là, d’un fils qui mourut en suçant la mamelle,
Une mère au destin reprochait le trépas,
Et sur la pierre étroite elle attachait ses bras,
Ici, des laboureurs au front chargé de rides,
Tremblans, agenouillés sur des feuilles arides,
Venaient encor prier, s’attendrir dans ces lieux
Où les redemandait la voix de leurs aïeux.
Quelques vieillards surtout, d’une voix languissante,
Embrassaient tour à tour une tombe récente ;
C’était celle d’Humbert, d’un mortel respecté,
Qui depuis neuf soleils en ces lieux fut porté.
Il a vécu cent ans, il fut cent ans utile.