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Mais du temple, à grands flots ? se hâtait de sortir
La foule, qui déjà, par groupes séparée,
Vers le séjour des morts s’avançait éplorée.
L’étendard de la croix marchait devant nos pas.
Nos chants majestueux, consacrés au trépas,
Se mêlaient à ce bruit précurseur des tempêtes ;
Des nuages obscurs s’étendaient sur nos têtes ;
Et nos fronts attristés, nos funèbres concerts,
Se conformaient au deuil et des champs et des airs.
Cependant, du trépas on atteignait l’asile.
L’if et le buis lugubre, et le lierre stérile,
Et la ronce, à l’entour, croissent de toutes parts ;
On y voit s’élever quelques tilleuls épars :
Le vent court en sifflant sur leur cime flétrie.
Non loin s’égare un fleuve, et mon ame attendrie,
Vit, dans le double aspect des tombes et des flots,
L’éternel mouvement et l’éternel repos.
Avec quel saint transport tout ce peuple champêtre
Honorant ses aïeux, aimait à reconnaitre
La pierre ou le gazon qui cachait leurs débris !
Il nomme, il croit revoir tous ceux qu’il a chéris.
Mais, hélas ! dans nos murs, de l’ami le plus tendre
On peut, l’œil incertain, redemander la cendre !
Les morts en sont bannis, leurs droits sont violés,
Et leurs restes sans gloire au hasard sont mêlés.
Ah ! déjà contre nous j’entends frémir leurs mânes.
Tremblons : malheur aux temps, aux nations profanes,
Chez qui, dans tous les cœurs, affaibli par degré,
Le culte des tombeaux cesse d’être sacré !
Les morts, ici, du moins, n’ont pas reçu d’outrage ;
lis conservent en paix leur antique héritage.
Leurs noms ne chargent point des marbres fastueux ;
Un pâtre, un laboureur, un fermier vertueux,
Sous ces pierres sans art, tranquillement sommeille.
Elles couvrent peut-être un Turenne, un Corneille,