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L’aurore paraissait : la cloche balancée,
Mêlant un son lugubre aux sifflemens du Nord,
Annonçait dans les airs la fête de la Mort.
Vieillards, femmes, enfans, accourraient vers le temple,
Là, préside un mortel dont la voix et l’exemple
Maintiennent dans la paix ses heureuses tribus,
Un prêtre, ami des lois et zélé sans abus,
Qui, peu jaloux d’un nom, d’une orgueilleuse mitre,
Aime de son troupeau, ne veut point d’autre titre ;
Et des apôtres saints fidèle imitateur,
A mérité comme eux ce doux nom de pasteur.
Jamais dans ses discours une fausse sagesse
Des fêtes du hameau n’attrista l’allégresse.
Il est pauvre, et nourrit le pauvre consolé.
Près du lit des vieillards quelquefois appelé,
Il accourt, et sa voix, pour calmer leur souffrance,
Fait descendre auprès d’eux la paisible espérance :
« Mon frère, de la mort ne craignez point les coups ;
« Vous remontez vers Dieu, Dieu s’avance vers vous. »
Le mourant se console, et sans terreur expire.
Lorsque de ses travaux l’homme des champs respire,
Qu’il laisse avec le bœuf reposer le sillon,
Ce pontife sans art, rustique Fénélon,
Nous lit du Dieu qu’il sert les touchantes paroles.
Il ne réveille pas ces combats des écoles,
Ces tristes questions qu’agitèrent en vain
Et Thomas, et Prosper, et Pélage, et Calvin.
Toutefois, en ce jour de grâce et de vengeance,
À ses enfans chéris, que charmait sa présence,
Il rappela l’objet qui les rassemblait tous ;
Et loin d’armer contre eux le céleste courroux,
Il sut par l’espérance adoucir la tristesse.
« Hier, dit-il, nos champs, nos hymnes d’allégresse
« Célébraient à l’envi ces morts victorieux,
« Dont le zèle enflammé sut conquérir les cieux.