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l’engager à prier pour le repos de l’âme du mort. On lave bien le corps ; et après l’avoir revêtu d’une chemise blanche, ou enveloppé d’un suaire, on lui met des souliers de cuir de Russie, et on l’étend dans le cercueil, les bras posés sur l’estomac en forme de croix. On couvre le cercueil d’un drap, ou bien du vêtement du mort ; mais on ne le porte à l’église qu’après l’avoir gardé huit ou dix jours. Le prêtre lui donne de l’encens et de l’eau bénite jusqu’au jour de l’enterrement.

Le convoi se fait dans l’ordre suivant : à la tête marche un pope qui porte l’image du saint que le mort a reçu pour patron dans son baptême. Il est suivi de quatre filles, proches parentes du défunt, ou de quelques femmes payées pour pleurer. Elles sont suivies de six hommes qui portent le corps sur leurs épaules. D’autres prêtres, qui marchent de chaque côté, l’encensent en chantant pour éloigner les mauvais esprits. Après eux viennent les parens et les amis, chacun un cierge à la main ; lorsqu’on est arrivé à la fosse, on découvre le cercueil, et on tient l’image du saint sur le mort, tandis que le prêtre fait les prières prescrites par la liturgie. Lorsqu’il a fini, les personnes qui composent le cortège disent adieu au défunt en baisant son cercueil. Le pope s’approche et lui met un passe-port dans la main. Ce passe-port est signé du métropolitain et du confesseur, qui le vendent plus ou moins cher, selon les facultés et la condition des personnes qui l’achètent. Il contient un témoignage de la bonne vie, ou du moins du repentir du mort. Quand un mourant a reçu la dernière bénédiction du prêtre, et qu’après sa mort il a son certificat dans sa main, on ne doute plus que saint Nicolas, à qui le pope l’a adressé, ne l’ait introduit dans le ciel. Enfin on ferme le cercueil, on le descend dans la fosse, et on prend en pleurant congé du mort pour toujours. On distribue souvent des vivres et de l’argent aux pauvres qui se trouvent près de la fosse ; mais un usage plus commun, c’est de noyer son affliction dans l’hydromel et dans l’eau-de-vie. On sait que les Russes et plusieurs nations, principalement du nord,