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Qui survivent aux morts, et qu’au sein des ténèbres
Emporte dans l’horreur de ses caveaux funèbres
L’incorrigible orgueil des fragiles mortels :
Au lieu de ces honneurs suprêmes,
Du néant vaniteux emphatiques emblèmes,
Place sur mon tombeau quelqu’un de ces écrits
Que ton goût apprécie et que ton cœur inspire,
Que tu venges par un souris
Des insultes de la satire.
Quand le céleste Raphaël,
Aux pieds de l’éternel, pour chanter ses louanges.
Alla se réunir à ses frères les anges,
Et retrouver ses modèles au ciel,
Sur la tombe précoce où périt son jeune âge,
Il ne reçut point en hommage
Ces nobles attributs, ces brillants écussons,
Qui d’une race illustre accompagnait les noms,
Mais ce tableau fameux, son plus sublime ouvrage,
Du Christ transfiguré, majestueuse image,
Par la victoire aux Romains enlevé,
Et de ses derniers jours chef-d’œuvre inachevé.
Quel ornement pompeux, quelle riche hécatombe
Eût égalé des tributs si flatteurs !
Un si touchant trophée attendrit tous les cœurs,
Et la Gloire, en pleurant, lui vint ouvrir sa tombe.
Je suis bien loin d’avoir les mêmes droits ;
Mais lorsque de la mort j’aurai subi les lois,
Pour rendre hommage à ma cendre muette,
Sur mon cercueil arrosé de tes pleurs,
Rends à mes vers l’honneur qu’on fit à sa palette,
Un vieil accord unit le peintre et le poète :
Les beaux arts sont amis, et les Muses sont sœurs.
Dans ma retraite ténébreuse,
Si tu m’aimes, viens aussi quelquefois
À ma tombe silencieuse
Faire ouïr cette douce voix,
Dont la grâce mélodieuse
Et la justesse harmonieuse
Rendront jaloux les Amphions des bois.
Ne crains pas d’y chanter les airs mélancoliques
De ces Arions italiques
Qui des sons modulés t’enseignèrent les lois ;
J’aimai toujours leurs accords pathétiques.
Peut-être à tes sons gémissans
Ma muse encor rendra quelques tristes accents ;