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Dans un enclos étroit le pauvre est relégué :
Le riche étend ses droits sur un domaine immense.
Par les biens, le rang, la naissance,
L’homme de l’homme est distingué.
Mais quand la mort parait nous sommes tous égaux,
Sa main puise au hasard dans l’urne redoutable
Les noms du juste et du coupable,
De l’homme faible et du héros.
L’impie en un festin ne sent que des dégoûts ;
Le glaive est sur sa tête et l’effroi le consume ;
Il trouve un suc plein d’amertume
Dans les alimens les plus doux.
En vain ses yeux lassés demandent le repos.
Le sommeil est ami des champêtres asiles,
Il cherche les réduits tranquilles,
Les bois, la fraîcheur et les eaux.
Quiconque au nécessaire a su borner ses vœux,
Vois sans s’inquiéter la mer et ses orages ;
Que craint-il des tristes présages
Des astres les plus rigoureux ?
Par la grêle et les vents, ses champs sont dépouillés,
Et la vigne infidèle a trompé son attente :
Qu’importe, son ame est contente,
Ses beaux jours ne sont point troublés.
Déjà loin du rivage une digue s’étend ;
Le riche dégoûté, fuit l’enceinte du monde,
Aux muets habitans de l’onde
Il dispute leur élément.
Mais il traîne en tous lieux ses ennuis accablans,
La crainte l’accompagne et le poursuit sans cesse ;
De l’agile coursier qu’il presse
Elle presse avec lui les flancs.
Eh quoi ! si tout l’éclat que donne la grandeur,
Si ce faste envié, que le vulgaire admire,
N’ôte point d’un cœur qui soupire
Le sentiment de sa douleur :
Pourquoi me construirais-je un superbe palais ?
Ô Sabine ![1] faut-il pour des biens trop pénibles
Abandonner tes bois paisibles
Et tes ombrages toujours frais ?

  1. Maison de campagne d’Horace. Extrait des Odes Pytiques, de Pindare.