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Loin de moi fatale opulence,
Ne viens plus m’arracher des vœux !
Dans une sage indifférence
Je veux couler des jours heureux ;
Mais quoi ? le fils de la paresse
L’ennui, père de la tristesse,
Vient déjà pour me dévorer.
De nos malheurs je vois la source
Il faut précipiter sa course,
Et jamais ne la mesurer.

Le tems rapide se consume
À blâmer sa triste lenteur,
Et dans l’avenir on présume
De trouver enfin son bonheur.
Souvent, par une ardeur fatale,
L’homme se plaint de l’intervalle
Qui retarde un heureux moment ;
Épris d’une indiscrète envie
Il consent d’abréger sa vie,
Pour hâter son contentement.

Mais contemplons la vaste scène
Des habitans de l’univers ;
Quels acteurs ! Ô ciel, que de peines
Pour jouer ces rôles divers !
Est-ce pour soi qu’on se fatigue,
Qu’on se livre, qu’on se prodigue ?
De nos intérêts peu jaloux,
Ceux d’autrui sont toujours les nôtres,
Toujours nous vivons pour les autres,
Nous vivons rarement pour nous.

Je sais quelle est la loi suprême,
Et que l’homme pour l’homme est né ;
À ne rien faire pour lui-même
Est-il par elle condamné ?