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parlant ainsi, c’est aux oncles du roi, à des vice-rois, beaucoup plus rois que le roi lui-même, que pensait l'auteur du Contr’un ?

Je pourrais entrer dans les détails du règne des Bourguignons, des Orléans et des Armagnacs ; je montrerais facilement que l’auteur du Discours de la Servitude, ayant voulu, comme le dit avec raison mon contradicteur, « faire honte au peuple qui oublie ses devoirs et ses droits, » qui supporte passivement la servitude, n’a pas pu prendre pour exemple un règne souvent troublé par des mouvements populaires.

En 1380, révolte des Parisiens assemblés, réclamant le rétablissement des libertés nationales. En 1381, révolte du Languedoc. En 1382, grande insurrection des Maillotins, — le peuple refuse l'impôt et force l’hôtel de ville au cri de «Liberté». Insurrections dans la plupart des provinces. En 1382-83-84, nouvelle sédition en Auvergne et dans le Midi ; révolte des Tuchins. En 1411-1413, grande révolte des Cabochiens. « Le duc de Bourgogne croit mener le peuple, dit Michelet, il verra bientôt qu’il le suivait. » La responsabilité des princes et des rois est proclamée ; la Commune de Paris s’organise ; la Bastille est assiégée par les bouchers qui, alliés à l’Université, obtiennent la grande Ordonnance de réforme de 1413, monument remarquable d’administration qui pouvait changer la face de la France. Cette ordonnance fut cassée par la victoire des Armagnacs, mais n’en resta pas moins le fonds où la législation viendra puiser sans cesse, et un remarquable témoignage des revendications du peuple contre les procédés tyranniques du gouvernement.

M. Dezeimeris cite un passage d’Étienne Pasquier et un fragment de la Satyre Ménippée, où les événements dont ils sont contemporains sont comparés à certains événements du règne de Charles VI. Mais encore ici, il fait fausse route ; Pasquier[1] et les auteurs de la Ménippée parlent des troubles de là Ligue ; il n’y a aucun doute sur ce point. Et il n’y a non plus aucune ressemblance entre ces troubles (années 1580-1584 et suivantes) et les faits qui, en. 1574-76, avaient inspiré les éditeurs du Contr’un.

  1. Pasquier, Les Recherches de la France, édition in-folio des Œuvres, t. I, p. 639.