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mais, au milieu de discordes sanglantes qu’il n’avait pas suscitées et qu’il abhorrait, d’avoir voulu aider les victimes à punir les bourreaux ;

2° Montaigne n’est pas blâmé de l’avoir fait en se mettant à l’abri des représailles ;

3° Montaigne est excusé de s’être couvert du nom de son ami ; car, jugeant sa propre action louable, il devait croire que si La Boëtie eût assisté à ces grands événements, il se fût associé à son indignation contre les assassins, non moins qu’à sa noble pitié pour les victimes, et qu’il eût, comme lui, pensé que « si la trahison peut être en quelques cas excusable, alors seulement elle l’est quand elle s’emploie à châtier et trahir la trahison[1] ».

À ce jugement qui, j’espère, sera ratifié par l’opinion, joignons celui porté sur lui-même par ce grand homme, qui, vivant en « un temps malade » où nul ne pouvait se vanter « d’employer au service du monde une vertu naisve et sincère[2] », ayant sous les yeux « le notable spectacle de la mort publique », en écrivait en ces termes : « Ce crouslement m’anime plus qu’il ne m’atterre, à l’ayde de ma conscience qui se porte, non paisiblement seulement, mais fièrement, et ne trouve en quoy se plaindre de moy[3] ».

  1. Les Essais, livre III, ch. I.
  2. Ibid., livre III, ch. IX.
  3. Ibid., livre III, ch. XII.