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M. Bonnefon, sur un ton de satisfaction intime et d’ironie victorieuse. Peut-être ne se croira-t-il plus autorisé à dire que « l’appareil critique destiné par M. Armaingaud à soutenir la première partie de sa thèse est beaucoup moins solide qu’il l’a supposé ». Loin d’affaiblir les raisons qui militent en faveur de mon opinion, son attaque un peu passionnée m’a fourni l’occasion, de les fortifier, et je me crois plus que jamais fondé à conclure que, selon toute vraisemblance, le Contr’un est un pamphlet contre Henri III[1].

M. Pierre Villey reconnaît que le point capital de ma thèse dépend de la réponse à cette question : le portrait du tyran du Contr’un vise-t-il un personnage vivant au moment où il est publié ? S’il lui paraissait démontré que des additions importantes ont été faites au texte de La Boëtie, de manière à en faire un pamphlet d’actualité politique (et l’allusion à Henri III serait nécessairement dans ce cas), M. Villey admettrait « que c’est Montaigne qui est l’auteur de ces additions, ou, que tout au moins, la chose ne s’est pas faite sans sa complicité ». Je voudrais pouvoir espérer, après la discussion qui précède, avoir cause gagnée auprès, de mon jeune et savant critique[2], et peut-être aussi (sans oser toutefois escompter

  1. Les raisons données en faveur du tyran abstrait sont si faibles, que mon troisième contradicteur, M. Strowski, qui vient de faire une étude attentive du Réveille-Matin, ne s’est pas arrêté à cette idée. Vaincu par l’évidence, il reconnaît qu’il s’agit bien, dans les fragments du Contr’un, publiés par le Réveille-Matin, d’un « tyran déterminé », « d’un pays déterminé », « d’un crime particulier » (la Saint-Barthélemy) ; seulement, pour lui, ce tyran n’est pas Henri de Valois, c’est Charles IX. J’avais moi-même eu la pensée, au début de mes recherches, que Charles IX était visé ici, aussi bien que son frère, et qu’il s’agissait d’un portrait à double entente. Cette conception n’aurait rien changé à la donnée fondamentale de ma thèse. Mais je démontrerai, dans ma réponse à M. Strowski, que le tyran ne peut être ici Charles IX.
  2. M. Villey remarque (dans le passage que M. Bonnefon a reproduit) que dans le Contr’un, les emprunts à Plutarque ne sont pas présentés sous forme de citations textuelles, alors que Montaigne cite textuellement ; il remarque aussi que Montaigne, dans les Essais, conserve aux noms propres anciens leur forme latine : Pyrrhus, Tacitus, Darius, alors que l’auteur du Contr’un écrit : Pyrrhe, Tacite, Dare ; il conclut que c’est la main de La Boëtie qu’il faut voir ici, non celle de Montaigne.
    En ce qui concerne le premier point, M. Villey fait erreur. Très souvent, au lieu de reproduire textuellement Plutarque, Montaigne le résume et le condense ; je le lui prouverai par de nombreux exemples, si la Revue d’histoire littéraire, où a paru sa courtoise réfutation, veut bien m’offrir l’hospitalité.
    Sur sa seconde remarque (et l’observation s’applique d’ailleurs à la