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qu’ils furent divulgués, et nous savons, qu’il n’a pas vu tous les ouvrages dont il enregistre la publication. Bien plus, il a si peu vu l’ouvrage, qu’il lui donne un titre inexact : « Mémoires de l’Estat et Religion sous Charles IX » alors que le véritable titre est : « Mémoires de l’Estat de France sous Charles neufiesme ».

Il est d’ailleurs surprenant qu’un bibliographe et un critique aussi documenté que l’est M. Bonnefon m’oppose comme sans réplique une information de l’Estoile, qui ramassait où il pouvait et sans toujours en vérifier la source et l’exactitude, les renseignements et les on-dit de toutes sortes. Il les enregistrait souvent plusieurs années après que les faits s’étaient passés, sur des notes dont nous n’avons pas l’ébauche primitive, mais seulement la mise au net plusieurs fois retouchée. J’ai pu me rendre compte, en collationnant le texte même du journal de l’Estoile, écrit de sa main, des nombreuses chances d’inexactitudes qu’offrait sa manière de composer ce journal. Je ne me suis pas borné, dans mes visites au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, à l’examen de la pièce 6678 qui contient la note de l’Estoile dont M. Bonnefon fait si grand état ; j’ai aussi consulté avec fruit un autre manuscrit de l’Estoile, fonds nouveaux, N° 6888. Ce document, que M. Bonnefon aurait cité s’il l’eût connu, a été acquis par la Bibliothèque nationale il y a sept ans ; il contient de la main même de l’Estoile une nouvelle mention on 1574 de la publication des Mémoires de l’Estat de France. Or, il est facile de reconnaître que dans l’une et l’autre de ces pièces, le renseignement a été consigné après coup, et intercalé entre des notes antérieurement transcrites. Dans l’une d’elles, il a même été écrit sur un papier qui n’appartenait pas au registre, et qui a été collé sur une de ses feuilles. Je remarque aussi que dans le premier manuscrit, c’est en octobre 1574 que la publication des Mémoires aurait eu lieu ; d’après le second, c’est en décembre ; ce qui met en lumière le peu de sûreté des renseignements consignés par l’auteur, et prouve une fois de plus qu’il n’avait pas vu le livre.

D’une manière générale les indications bibliographiques de l’Estoile ont peu de valeur. À la page 127 du manuscrit (fonds nouveau n° 6888), il nous apprend que sur la fin de l’année 1577 furent divulgués et semés à Paris et par toute la France plusieurs écrits parmi lesquels il cite « Le Brutus de la puissance des Princes, tourné du latin Vindicæ contra tyrannos ». Or, l’édition latine des Vindicæ n’a été publiée, pour la première fois, qu’en 1579, et l’édition française en 1581, sous ce titre : « La Puissance légitime du Prince sur les peuples et du peuple sur le Prince… Par Brutus. »