Page:Aristote Metaphysique 1840 2.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

possédera plus l’art. Et pourtant on se remettra immédiatement à bâtir ; comment aura-t-on recouvré l’art ? Il en sera de même pour les objets inanimés, le froid, le chaud, le doux ; et en un mot, tous les objets sensibles ne seront rien indépendamment de l’être sentant. On tombe alors dans le système de Protagoras[1]. Ajoutons qu’aucun être n’aura même la faculté de sentir, s’il ne sent réellement, s’il n’a sensation en acte. Si donc nous appelons aveugle l’être qui ne voit point, quand il est dans sa nature de voir, et à l’époque où il est dans sa nature de voir, les mêmes êtres seront aveugles et sourds plusieurs fois par jour. Bien plus, comme ce dont il n’y a pas puissance est impossible, il sera impossible que ce qui n’est pas produit actuellement, soit jamais produit. Prétendre que ce qui est dans l’impossibilité d’être, existe ou existera, ce serait dire une fausseté, comme l’indique le mot même d’impossible[2].

Un pareil système supprime le mouvement et la production. L’être qui est debout sera toujours debout, l’être qui est assis sera éternellement assis. Il ne pourra pas se lever s’il est assis, car ce qui n’a pas le pouvoir de se lever est dans l’impossibilité de se lever. Si l’on ne peut pas admettre ces conséquences, il est évident que la puissance et l’acte sont deux choses différentes : or, ce système identifie la puissance et

    omnes sublatos esse fingamus, non protinus fiet ut ædificator ædificandi artem amittat, sed retinebit etiam tunc lapidibus nullis existentibus : cui similis est cæterorum ratio. »

  1. Voyez liv. IV, 5, t. 1, p. 128 sqq.
  2. Voyez liv. V, 12, t. I, p. 180.