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quelque autre chose, et la pluralité serait expliquée.

Mais remarquons d’abord que l’être se prend sous plusieurs acceptions[1]. Il y a l’être qui signifie substance, puis l’être selon la qualité, selon la quantité, enfin selon chacune des autres catégories. Quelle sorte d’unité seront donc tous les êtres, si le non-être n’existe pas ? Seront-ils les substances, ou les modifications, et ainsi du reste ? ou seront-ils à la fois toutes ces choses, et y aura-t-il identité entre l’être déterminé, la qualité, la quantité, en un mot entre tout ce qui est un ? Mais il est absurde, je dis plus, il est impossible qu’une nature unique ait été la cause de tous les êtres, et que cet être, que le même être à la fois constitue d’un côté l’essence, de l’autre la qualité, d’un autre la quantité, d’un autre enfin le lieu. Et puis de quel non-être avec l’être les êtres proviendraient-ils ? Car puisque l’être se prend dans plusieurs sens, le non-être a, lui aussi, plusieurs acceptions : non-homme signifie la non-existence d’un être déterminé ; n’être pas droit, la non-existence d’une qualité ; n’être pas long de trois coudées, la non-existence d’une quantité. De quel être et de quel non-être provient donc la multiplicité des êtres ?

On va même jusqu’à prétendre que le faux est cette nature, ce non-être qui, avec l’être, produit la multiplicité des êtres[2]. C’est cette opinion qui a fait dire

  1. 1 Liv. V, 7, t.1, p. 160 sqq., et passim.
  2. Il s’agit de Platon, suivant quelques commentateurs : mais Syrianus prétend qu’Aristote a forcé le sens des termes, et que c’est astucieusement qu’il prête à ses adversaires l’assimilation de leur procédé avec celui des géomètres : Quibus versutissime subjunxit quod imitari forte nituntur geometras… Bagolini, fol. 106, a.