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autres sens et les autres objets sensibles auraient une existence séparée ; car pourquoi ceux-ci plutôt que ceux-là ? Or, s’il en est ainsi, s’il y a des sens séparés, il doit y avoir des animaux séparés. Enfin, les mathématiciens admettent certains universaux en dehors des substances dont nous parlons. Ce serait donc là une autre substance intermédiaire, séparée des idées et des êtres intermédiaires, substance qui ne serait ni un nombre, ni des points, ni une grandeur, ni un temps. Mais cette substance ne saurait exister, et, par suite, il est impossible que les objets dont nous venons de parler aient une existence séparée des choses sensibles.

En un mot, si l’on pose les grandeurs mathématiques comme des natures séparées, la conséquence est en opposition avec la vérité, et avec les opinions communes. Il est nécessaire, si tel est leur mode d’existence, qu’elles soient antérieures aux grandeurs sensibles : or, dans la réalité, elles leur sont postérieures. La grandeur incomplète a, il est vrai, la priorité d’origine, mais substantiellement elle est postérieure ; c’est là le rapport de l’être inanimé avec l’être animé. Quel principe d’ailleurs, quelle circonstance constituerait-elle l’unité des grandeurs mathématiques ? Ce qui fait celle des corps terrestres, c’est l’âme, c’est une partie de l’âme, c’est quelque autre principe participant de l’intelligence, principe sans lequel il y a pluralité, dissolution sans fin[1]. Mais les grandeurs mathématiques,

  1. Voyez, dans le De Anima, la théorie à laquelle se rattache cette opinion.