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saurait être l’essence la meilleure, car ce qui lui donne son prix, c’est le penser. Enfin, que son essence soit l’intelligence, ou qu’elle soit la pensée, que pense-t-elle ? car, ou elle se pense elle-même, ou bien elle pense quelque autre objet. Et si elle pense un autre objet, ou bien c’est toujours le même, ou bien son objet varie. Importe-t-il donc, oui ou non, que l’objet de sa pensée soit le bien, ou la première chose venue ? ou plutôt ne serait-il pas absurde que telles et telles choses fussent l’objet de la pensée ? Ainsi il est clair qu’elle pense ce qu’il y a de plus divin et de plus excellent, et qu’elle ne change pas d’objet ; car changer ce serait passer du mieux au pire, ce serait déjà un mouvement. Et d’abord, si elle n’était pas la pensée, mais une simple puissance, il est probable que la continuité de la pensée serait pour elle une fatigue. Ensuite il est évident qu’il y aurait quelque chose de plus excellent que la pensée, à savoir ce qui est pensé ; car le penser et la pensée appartiendraient encore à l’intelligence, même alors qu’elle penserait ce qu’il y a de plus vil. C’est là ce qu’il faut éviter (et, en effet, il est des choses qu’il faut ne pas voir, plutôt que de les voir) ; sinon la pensée ne serait pas ce qu’il y a de plus excellent. L’intelligence se pense donc elle-même, puisqu’elle est ce qu’il y a de plus excellent, et la pensée est la pensée de la pensée[1]. La science, la sensation, l’opinion, le raisonnement, ont, au contraire, un objet différent d’eux-mêmes ; ils ne s’occupent d’eux-mêmes qu’en passant. D’ailleurs, si penser

  1. Ἔστιν ἡ νόησις νοήσεως νόησις.