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l’art de l’ouvrier. Ce ne sont pas non plus les menstrues ni la terre qui se féconderont elle-mêmes ; ce sont les semences, c’est le germe qui les fécondent. Aussi quelques philosophes admettent-ils une action éternelle : ainsi Leucippe et Platon[1] ; car le mouvement, suivant eux, est éternel. Mais ils n’expliquent ni le pourquoi, ni la nature, ni le comment, ni la cause. Et pourtant rien n’est mu par hasard ; il faut toujours que le mouvement ait un principe ; telle chose se meut de telle manière, ou par sa nature même, ou par l’action d’une force, ou par celle de l’intelligence, ou par celle de quelque autre principe déterminé. Et quel est le mouvement primitif ? Question d’une haute importance, qu’ils ne résolvent pas davantage. Platon ne peut pas même alléguer, comme principe du mouvement, ce principe dont il parle quelquefois, cet être qui se meut lui-même[2] ; car l’âme, d’après son propre aveu, est postérieure au mouvement, et contemporaine du ciel. Ainsi, regarder la puissance comme antérieure à l’acte, c’est une opinion vraie sous un point de vue, erronée sous un autre, et nous avons déjà dit comment[3].

Anaxagore reconnaît l’antériorité de l’acte, car l’intelligence est un principe actif ; et, avec Anaxagore,

  1. La matière, suivant Platon, Timée, édit. de H. Est., p. 30, était animée de tout temps d’un mouvement sans règle et sans but, et les atomes, suivant Leucippe, se mouvaient dans le vide de toute éternité.
  2. « Jamais Platon, en définissant ainsi l’âme, n’a entendu la donner comme le principe éternel de toutes choses ; il la considère comme le principe du petit monde qu’elle gouverne. » Note de M. Cousin.
  3. Dans le De Anima, II, 4, Bekker, p. 415, 416.