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l’opposition de la blancheur et de la couleur noire ne produit pas cette différence. Pourquoi cela ? dira-t-on. C’est que parmi les caractères des êtres, les uns sont des modifications propres du genre, les autres n’atteignent pas le genre lui-même. Et puis, il y a d’un côté la notion pure des êtres, et de l’autre leur matière. Toutes les oppositions qui résident dans la notion pure constituent des différences d’espèce ; toutes celles qui n’existent que dans l’ensemble de l’essence et de la matière[1] n’en produisent pas : d’où il suit que ni la blancheur de l’homme, ni sa couleur noire ne constituent des différences dans le genre, et qu’il n’y a pas de différence d’espèce entre l’homme blanc et l’homme noir, quand même on leur donnerait à chacun un nom. En effet, l’homme est, pour ainsi dire, la matière des hommes. Or, la matière ne produit pas de différence. En effet, les hommes ne sont pas des espèces de l’homme[2]. Ainsi donc, bien qu’il y ait différence entre les chairs et les os dont se compose tel ou tel homme, l’ensemble, différent il est vrai, ne diffère point spécifiquement, parce qu’il n’y a pas contrariété dans la notion essentielle : l’ensemble est le dernier individu de l’espèce. Callias, c’est l’essence unie à la matière. Donc c’est parce que Callias est blanc que l’homme est blanc lui-même ; donc c’est accidentellement que l’homme est blanc ; donc

  1. Ἐν τῷ συνειλημμένῳ τῇ ὕλῃ. C’est ce qu’Aristote désigne ailleurs par τὸ σύνολον, c’est le complexe matériel, la puissance réalisée, tout ce qui a matière et forme.
  2. Voyez liv. III, 3, t. 1., p. 83, 84.