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elle aussi, une pluralité, parce qu’elle est un peu. Cette conséquence est nécessaire, si deux est une pluralité. Mais on peut dire que la pluralité est la même chose que le beaucoup dans certaines circonstances, et dans d’autres non : ainsi, l’eau[1] est beaucoup, elle n’est pas une multitude. Dans toutes les choses qui sont divisibles, beaucoup se dit de tout ce qui est une multitude excessive[2], soit absolument, soit relativement à autre chose ; le peu est une multitude en défaut[3].

Multitude se dit encore du nombre, lequel est opposé seulement à l’unité. On dit unité et multitude dans le même sens qu’on dirait une unité et des unités, blanc et blancs, mesuré et mesure ou mesurable ; et dans ce sens toute pluralité est une multitude. Tout nombre en effet est une multitude, parce qu’il est composé d’unités, parce qu’il est mesurable par l’unité ; il est multitude en tant qu’opposé à l’unité et non pas au peu. De cette manière, deux même est une multitude ; mais ce n’est pas en tant que pluralité excessive, soit relativement, soit absolument : deux est la première multitude. Deux est le petit nombre absolument parlant, car c’est le premier degré de la pluralité en défaut. Anaxagore a donc eu tort de dire que tout était également infini en multitude et en petitesse[4]. Au lieu

  1. Argyropule traduit : ut vinum dicitur… ; rendant, comme dit Du Val, la pensée d’Aristote, mais non pas l’expression dont il s’était servi.
  2. Πλῆθος ἔχον ὑπεροχήν.
  3. Πλῆθος ἔχον ἔλλειψιν.
  4. Ἄπειρα καὶ πλήθει καὶ μικρότητι. Sur la doctrine d’Anaxagore, liv. I, 7, t. 1, p. 39  ; liv. IV, 4, p. 116 sqq. ; et passim.