Page:Aristote Metaphysique 1840 1.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.

monde, puis aux causes diverses de ces mouvements, enfin à la cause première et absolue, au moteur immobile.

La production, ou si l’on veut la création par la pensée, nous fait toucher, pour ainsi dire, la divinité. Elle est chez nous le résultat d’une puissance naturelle, que l’intelligence peut modifier, que le travail développe et agrandit, qui aurait pu sommeiller éternellement en nous, mais que nous ne nous sommes pas donnée. Elle fait partie de l’homme, et les causes de l’homme sont les causes de cette puissance. D’ailleurs, l’objet véritable du statuaire, du poète, du musicien, c’est, non pas la réalisation de la figure dans la pierre, de la pensée dans le poème, de la mélodie dans le chant lyrique, d’une façon quelconque ; c’est le beau ; et le beau, c’est le bien, c’est-à-dire Dieu même.

Une difficulté reste toutefois relativement aux êtres sensibles. Comment peut s’opérer le passage du blanc au noir ? comment ce qui est du vin peut-il devenir du vinaigre ? aucune transformation ne semble possible, si ce qui devient n’était déjà dans l’être qui devient. La question n’est point embarrassante pour l’école de Mégare qui prétend que tout est en acte : car alors rien ne change dans la nature ; chaque chose est éternellement ce qu’elle doit être ; il n’y a pas de production. Elle n’est pas plus embarrassante pour ceux qui admettent l’existence simultanée des contraires ; le même objet est à la fois blanc et noir, vin et vinaigre ; il ne varie point dans son essence, par la production ; ce qui devient était déjà ; la seule chose qui varie, c’est la sensation, c’est-à-dire l’homme, et