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nes, Aristote est obligé de reconnaître qu’elles ont un côté spécieux, qu’elles trouvent jusqu’à un certain point leur justification dans les phénomènes sensibles. Le tort, selon lui, de tous les philosophes qui ont professé le scepticisme à cet égard, c’est de ne s’être arrêtés qu’aux objets sensibles. Ainsi Anaxagore et Démocrite voyant les mêmes choses produire les contraires, et ne s’étant point élevés à l’idée d’un principe autre que la matière, ont pu naturellement en conclure l’existence simultanée des contraires dans les mêmes êtres ; ils n’étaient point encore arrivés à la distinction de la puissance et de l’acte, distinction sans laquelle on ne peut expliquer la production et la destruction. Les contraires existent bien dans le même être, mais ils n’y sont pas en acte ; il faut de toute nécessité que l’un des contraires ne soit qu’en puissance. C’est aussi l’apparence des objets sensibles qui conduisit Démocrite, Parménide, Anaxagore, Protagoras, à faire des opinions de chaque homme la mesure de la vérité. Les jugements humains varient à l’infini suivant les divers individus, ils varient dans le même homme suivant les circonstances : au milieu de cette diversité d’opinions, où est la vérité ? À ces considérations, joignez celles qui se tirent des transformations incessantes des êtres, du mouvement de toutes choses, et cette préoccupation pourra vous conduire jusqu’à l’opinion exprimée par Héraclite, et par son disciple Cratyle, à savoir, que, ne pouvant y avoir aucune science de ce qui est essentiellement variable, l’homme ne peut rien affirmer, sous peine de tomber dans l’absolue et perpétuelle erreur.