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moins à consulter son goût, et à vivre selon sa coutume. Mais si, passant des notions sensibles aux notions ontologiques et aux notions morales, vous résolvez les problèmes dans le même sens ; si, comme les sophistes de la Grèce, comme Hume dans les temps modernes, vous affirmez que tout est bien ou que tout est mal, ou ce qui revient au même qu’il n’y a ni bien ni mal, si vous subjectivez en un mot les notions de la raison, alors la question prend un caractère tout autrement sérieux. Le moindre doute que vous laisseriez planer sur la vérité porterait, malgré tous vos efforts, ses fruits dans la science ; il faut avoir foi dans la vérité pour la rechercher avec ardeur et pour la découvrir. Il est donc indispensable de se demander, au début de la philosophie, s’il existe ou non une vérité absolue saisissable pour l’homme, ou bien si tout est confondu, s’il n’y a aucune différence entre le vrai et le faux, si la même chose est à la fois et n’est pas.

Les deux grands législateurs de la science dans l’antiquité et dans les temps modernes, Aristote et Kant ont abordé cette question ; mais ils lui ont donné une solution bien différente. Kant, tout en reconnaissant l’universalité des jugements de la raison, conteste cependant à cette faculté le droit de s’élever à l’absolu ; il subjective nos connaissances, et les réduit à des proportions purement humaines ; il commence par élever un doute sur ses propres découvertes, et s’interdit ainsi d’avancer, sinon en se mettant en contradiction avec lui-même. Aristote, au contraire, marche avec assurance ; il ne croit pas seulement à l’existence d’une vérité relative, humaine et périssable, il aspire à