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Ce n’est donc pas à tort, sous un point de vue, que Platon a rangé dans la classe du non-être l’objet de la Sophistique[1]. C’est l’accident, en effet, que les sophistes ont pris, de préférence à tout, si je puis dire, pour le texte de leurs discours. Ils se demandent s’il y a différence ou identité entre musicien et grammairien, entre Coriscus musicien et Coriscus, si tout ce qui est, mais n’est pas de tout temps, est devenu ; et, par suite, si celui qui est musicien est devenu grammairien, ou celui qui est grammairien, musicien ; et toutes les autres questions analogues. Or, l’accident semble quelque chose qui diffère peu du non-être[2], comme on le voit à de pareilles questions. Il y a bien pour tous les êtres d’une autre sorte, devenir et destruction, mais non pas pour l’être accidentel.

Nous devons dire toutefois, autant qu’il nous sera possible, quelle est la nature de l’accident, et quelle est sa cause d’existence : peut-être verra-t-on par cela même pourquoi il n’y a pas de science de l’accident.

Parmi les êtres, les uns restent dans le même état, toujours et nécessairement, non pas de cette nécessité qui n’est que la violence, mais de celle qu’on définit l’impossibilité d’être autrement ; tandis que les autres n’y restent ni nécessairement, ni toujours, ni ordinairement : voilà le principe, voilà la cause de l’être accidentel. Ce qui n’est ni toujours, ni dans le plus


  1. Aristote fait les mêmes observations au sujet de l’accident, dans le liv. XI, 8.
  2. Dans les Topiques, Aristote dit que l’accident n’a ni limite, ni forme, ni essence ; qu’aucune définition ne lui convient, sinon une définition négative. Topic, I, 5. Bekk., p. 102.