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pour rendre possible une appréciation exacte de tout ce passé philosophique.

II. C’est un spectacle grand et curieux, de voir comment l’antiquité s’est jugée elle-même, comment, revenant sur ses pas, elle a apprécié la route qu’elle avait déjà parcourue, de quel œil enfin la raison mûrie, fortifiée déjà par l’expérience des siècles, a envisagé alors son enfance et ses débuts.

L’examen auquel se livre Aristote n’est pas une histoire sans vie des systèmes, c’est la représentation fidèle de la marche de l’esprit humain ; c’est un drame véritable qui prend l’homme au moment où, faible encore, ébloui par le spectacle qui s’offre à ses regards, il ne voit dans la nature que la partie la plus grossière ; qui nous le montre ensuite faisant chaque jour un nouveau pas, écartant peu à peu les voiles qui couvrent la vérité, s’élevant enfin jusqu’à l’idée de Dieu, et établissant l’intelligence dans ses droits les plus sacrés. Le but d’Aristote n’est nullement de confondre ses prédécesseurs. Il n’est pas, tant s’en faut, ce tyran que nous dépeint Bacon, qui, pour régner paisiblement, commence par égorger tous ses frères. Aristote sait ce que coûte la science, et il tient compte à ses devanciers des difficultés des temps. Indulgent pour les hommes qui ont consacré leurs veilles à l’étude, il n’est sévère que pour les doctrines : la vérité même y est intéressée.

Cependant, il est triste de le dire, cette impartialité si haute semble se démentir au sujet du philosophe auquel il devait le plus de reconnaissance ; il va jusqu’à l’injustice envers Platon, son ancien maître. On