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ce que vous les concevrez. » On prétend même qu’Homère semble avoir une opinion analogue, parce qu’il représente Hector délirant par l’effet de sa blessure, étendu, la raison bouleversée[1] ; comme s’il pensait que les hommes en délire ont aussi la raison, mais que cette raison n’est plus la même. Évidemment, si le délire et la raison sont la raison l’un et l’autre, les êtres, à leur tour, sont à la fois ce qu’ils sont et ce qu’ils ne sont pas.

La conséquence qui sort d’un pareil principe est réellement affligeante. Si telles sont en effet les opinions des hommes qui ont le mieux vu toute la vérité possible, et ces hommes sont ceux qui cherchent la vérité avec ardeur, et qui l’aiment ; si telles sont les doctrines qu’ils professent sur la vérité, comment aborder sans découragement les problèmes philosophiques ? Chercher la vérité, ne serait-ce pas vouloir atteindre des ombres qui s’envolent ?

La cause de l’opinion de ces philosophes, c’est que, considérant la vérité dans les êtres, ils n’ont admis comme êtres que les choses sensibles. Or, ce qui se trouve en elles, c’est surtout l’indéterminé, et cette sorte d’être dont nous avons parlé plus haut[2]. Aussi, l’opinion qu’ils professent est-elle vraisemblable ; mais ils ne disent pas la vérité. Cette appréciation est plus équitable qu’une critique comme celle qu’Épicharme fit de Xénophane[3]. Enfin, comme ils voyaient que toute


  1. Κεῖσθαι ἀλλοφρονέοντα. Voyez la note à la fin du volume.
  2. L’être en puissance.
  3. Le poète Épicharme s’était moqué, dans ses comédies, des doctri-