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Mais peut-être répondra-t-on que c’est là ce qui est posé en principe. Est-ce donc à dire que celui qui pensera que telle chose est ainsi, ou qu’elle n’en est pas ainsi, sera dans le faux, tandis que celui qui tiendra l’un et l’autre langage dira la vérité ? Or, si le dernier dit en effet la vérité, qu’est-ce à dire, sinon que telle nature entre les êtres dit la vérité ? Mais s’il ne dit pas la vérité, et que ce soit plutôt celui qui dit que la chose est de telle sorte, qui dit la vérité, comment alors pourrait-il y avoir et ces êtres, et cette vérité, en même temps qu’il n’y aurait ni ces êtres ni cette vérité ? Si tous les hommes disent également faux et vrai, de tels êtres ne peuvent ni articuler un son ni discourir, car en même temps ils disent une chose et ne la disent pas. S’ils n’ont conception de rien, s’ils pensent et ne pensent pas tous à la fois, en quoi diffèrent-ils des plantes ?

Il est donc de toute évidence que telle n’est la manière de penser de personne, pas même de ceux qui avancent cette proposition. Pourquoi, en effet, se mettent-ils en route pour Mégare,[1] et, au lieu de cela, ne restent-ils pas en repos dans la conviction qu’ils marchent ? Pourquoi, s’ils rencontrent un puits ou un précipice dans leurs promenades du matin, ne s’y dirigent-ils pas en droite ligne, et paraissent-ils prendre leurs précautions, comme s’ils jugeaient qu’il n’est pas également mauvais et bon d’y tomber ? Il est donc évident qu’ils pensent que telle chose est meilleure, telle


  1. Ville petite, mais célèbre, située entre Athènes et Corinthe, à peu de distance du golfe Saronique. C’était un but de promenade pour les Athéniens.