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Là encore on ne peut admettre, et pour les mêmes raisons, des êtres en dehors de ceux que nous voyons ; car, si vous admettez des êtres sensibles intermédiaires, il vous faudra nécessairement admettre des sensations intermédiaires pour les percevoir, ainsi que des animaux intermédiaires entre les idées des animaux et les animaux périssables. On peut se demander sur quels êtres porteraient les sciences intermédiaires. Car si vous reconnaissez que la Géodésie ne diffère de la Géométrie, qu’en ce que l’une porte sur des objets sensibles, l’autre sur des objets que nous ne percevons point par les sens, il vous faut évidemment faire la même chose pour la Médecine et pour toutes les autres sciences, et dire qu’il y a une science intermédiaire entre la Médecine idéale et la Médecine sensible. Et comment admettre une pareille supposition ? Il faudrait alors dire aussi qu’il y a une santé intermédiaire entre la santé des êtres sensibles et la santé en soi.

Mais il n’est pas même vrai de dire que la Géodésie est une science de grandeurs sensibles et périssables, car, dans ce cas, elle périrait, quand périraient ces grandeurs. L’Astronomie elle-même, la science du ciel qui tombe sous nos sens, n’est pas une science de grandeurs sensibles. Ni les lignes sensibles ne sont les lignes du géomètre, car les sens ne nous donnent aucune ligne droite, aucune courbe, qui satisfasse à la définition : le cercle ne rencontre pas la tangente en un seul point, mais par plusieurs, comme le remarquait Protagoras[1], dans ses attaques contre les géomè-

  1. C’est un célèbre sophiste, contemporain de Socrate.