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doctrine, c’est le retour à la réalité, et le rétablissement des sens dans leurs droits légitimes. Toutefois il ne leur demande que ce qu’ils peuvent donner, il fait leur part, et les abandonne au moment où, au lieu de le servir, ils ne pourraient que l’égarer. Il ne s’arrête pas, comme on l’a supposé, à cet empirisme grossier qui voudrait tout ramener à des notions sensibles : bien loin de là, il s’adresse aussi à ce sens intime, à ce génie de la conscience révélé par Socrate, et qui avait si bien inspiré Platon : il lui demande compte des principes que les sens ne sauraient expliquer.

Et en effet, à côté de l’expérience de sens, il nous faut admettre une expérience intérieure, celle de la pensée se saisissant elle-même, expérience qui seule nous élève à ces principes, à ces lois du monde que les sens ne peuvent apercevoir. Nulle part, il est vrai, Aristote n’a distingué expressément ces deux manières de connaître ; mais il les met en œuvre l’une et l’autre.

Ce n’est que quand il se verra fermement debout sur cette base, qu’Aristote se donnera l’essor, et s’élancera dans ces régions de la pensée si hardiment parcourues avant lui par Platon. S’il n’emprunte pas à son maître ces ailes divines qui l’emportaient dans le monde des idées, son vol, pour être plus régulier, n’est ni moins audacieux ni moins sublime. Arrivé à ces hauteurs, il pourra bien nous crier que Platon a mal vu, que ses yeux ont été éblouis par la lumière ; mais il n’entre pas dans son dessein de détruire ce monde de l’intelligence. Pour lui, comme pour Platon, la science repose dans la connaissance du général ; celui-là seul,