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indéfiniment l’essence à une autre essence. Il faut s’arrêter. Toujours l’essence qui précède est plus essence que celle qui suit ; mais si ce qui précède ne l’est pas encore, à plus forte raison ce qui suit[1].

Bien plus, un pareil système rend impossible toute connaissance. On ne peut savoir, il est impossible de rien connaître, avant d’arriver à ce qui est simple, indivisible. Or, comment penser à cette infinité d’êtres dont on nous parle ? Il n’en est pas ici comme de la ligne, qui ne s’arrête pas dans ses divisions : la pensée a besoin de points d’arrêt. Aussi, si vous parcourez cette ligne qui se divise à l’infini, vous n’en pouvez compter toutes les divisions. Ajoutons que nous ne concevons la matière que dans un objet en mouvement. Or, aucun de ces objets n’est marqué du caractère de l’infini. Si ces objets sont réellement infinis, le caractère propre de l’infini n’est pas l’infini[2].

Et quand bien même on dirait seulement qu’il y a un nombre infini d’espèces de causes, la connaissance serait encore impossible. Car nous croyons savoir quand nous connaissons les causes ; et il n’est point possible que dans un temps fini, nous puissions parcourir une série infinie.


  1. Il n’y a donc plus d’essence, et par conséquent ce n’est pas là ramener, comme on le prétend, l’essence à une autre essence. Voyez sur ce passage Alex. Aphr., Schol., p. 598-99., Sepulv., p. 51 ; Philop., fol. 7, b. ; Asclep., Schol., p. 599 ; St. Thomas, p. 25.
  2. Ce serait une contradiction, une absurdité. Nous avons suivi l’interprétation d’Alexandre. Οὐκ ἄπειρόν γʾ ἐστὶν τὸ ἀπείρῳ εἶναι, id est, per quod infinitum cognosci potest (potest autem per rationem) id non est infinitum. » Sepulv., p. 52. Voyez aussi Schol., P. 600.