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ne sont point non plus leur cause d’existence, puisqu’elles ne se trouvent pas dans les objets qui participent des idées. Peut-être dira-t-on qu’elles sont causes, de la même manière que la blancheur est cause de l’objet blanc auquel elle se mêle. Cette opinion, qui a sa source dans les doctrines d’Anaxagore, et qui a été adoptée par Eudoxe[1] et par quelques autres, est vraiment trop mal fondée ; il serait aisé d’entasser contre elle une multitude de difficultés insolubles. D’ailleurs, les autres objets ne peuvent provenir des idées, dans aucun des sens où l’on entend ordinairement cette expression[2]. Dire que les idées sont des exemplaires, et que les autres choses en participent, c’est se payer de mots vides de sens et faire des métaphores poétiques[3]. Celui qui travaille à son œuvre a-t-il besoin pour cela d’avoir les yeux sur les idées ? Il se peut, ou qu’il existe, ou qu’il se produise un être semblable à un autre, sans avoir été modelé sur cet autre : ainsi, que Socrate existe ou non, il pourrait naître un homme tel que Socrate. Cela n’est pas moins évident quand même on admettrait un Socrate éternel. Il y aurait d’ailleurs plusieurs modèles du même être, et, par suite plusieurs idées : pour l’homme, par exemple, il y aurait tout à la fois l’animal, le bipède, et l’homme en soi.

De plus, les idées ne seront point seulement les

  1. Eudoxe, ami et disciple de Platon, est célèbre surtout comme astronome. Aristote exposera plus tard le système astronomique de ce philosophe. Voyez liv. XII, 8.
  2. Voyez 1. V, 24, les diverses acceptions des termes : Être ou provenir de.
  3. Κενολογεῖν ἐστὶ, καὶ μεταφορὰς λέγειν ποιητικάς