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l’Amitié et la Discorde[1], causes opposées de ces effets contraires. Car, si l’on pousse à leurs conséquences les opinions d’Empédocle, et qu’on s’attache au fond de sa pensée, et non à la manière dont il la bégaie, on verra qu’il fait de l’Amitié le principe du bien et de la Discorde celui du mal. De sorte que si l’on disait qu’Empédocle a proclamé, et qu’il a proclamé le premier le bien et le mal comme principes, peut-être ne se tromperait-on pas, puisque dans son système le bien en soi[2] est la cause de tous les biens, et le mal[3] celle de tous les maux.

Jusqu’ici, selon nous, les philosophes ont reconnu deux des causes que nous avons déterminées dans la Physique : la matière, et la cause du mouvement. Ils l’ont fait, il est vrai, d’une façon obscure, indistincte, comme agissent au combat des soldats mal exercés. Ceux-ci s’élancent en avant, et frappent souvent de beaux coups ; mais la science n’est pour rien dans leur conduite. De même ces philosophes n’ont pas l’air de savoir qu’ils disent ce qu’ils disent en effet. Car on ne les voit jamais, ou peu s’en faut, faire usage des principes. Anaxagore se sert de l’Intelligence comme d’une machine[4], pour la formation du monde ; et, quand il est embarrassé d’expliquer pour quelle cause ceci ou cela est nécessaire, alors il produit l’intelligence sur la scène ; mais partout ailleurs c’est à toute

  1. Φιλία καὶ νεῖκος.
  2. L’Amitié.
  3. La Discorde.
  4. Allusion au θεὸς ἀπὸ μηχανῆς, Deus ex machina. Voyez Alexandre d’Aphr. Brand. Schol., p. 537 ; Sepulv., p. 13.