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De tout ce que nous venons de dire sur la science elle-même, sort la définition cherchée de la philosophie. Il faut bien qu’elle soit la science théorétique des premiers principes et des premières causes ; car le bien et la raison finale sont une des causes. Et qu’elle n’est point une science pratique, c’est ce que démontre l’exemple de ceux qui ont philosophé les premiers. Ce qui, dans l’origine, poussa les hommes aux premières recherches philosophiques, c’était, comme aujourd’hui, l’étonnement[1]. Entre les objets qui les étonnaient, et dont ils ne pouvaient se rendre compte, ils s’appliquèrent d’abord à ceux qui étaient à leur portée ; puis, s’avançant ainsi peu à peu, ils cherchèrent à s’expliquer de plus grands phénomènes, par exemple les divers états de la lune, le cours du soleil et des astres, enfin la formation de l’univers. Chercher une explication et s’étonner, c’est reconnaître qu’on ignore. Aussi peut-on dire, que l’ami de la science l’est en quelque sorte des mythes[2] ; car le sujet des mythes, c’est le merveilleux. Par conséquent, si les premiers philosophes philosophèrent pour échapper à l’ignorance, il est évident qu’ils poursuivaient la science pour savoir, et non en vue de quelque utilité. Le fait lui-même en est la preuve : presque tous

  1. Platon, dans le Théétète, éd. de H. Est. p. 155 : « Cet état, l’étonnement, est particulièrement celui du philosophe, car c’est-là le principe de la philosophie. »
  2. Φιλόμυθος ὁ φιλόσοφός πώς ἐστιν. — Pour l’appréciation de la valeur philosophique des mythes, voyez le cours de M. Cousin, 1828, première leçon, p. 22, et cinquième leçon, p. 19, ainsi que quelques arguments de la traduction de Platon.