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fait ; tandis que les manœuvres ressemblent à ces êtres inanimés qui agissent, mais sans connaissance de leur action, le feu, par exemple, qui brûle sans le savoir. Chez les êtres animés, c’est une nature particulière qui produit chacune de ces actions ; chez les manœuvres, c’est l’habitude. Ce qui donne la supériorité du savoir aux chefs des ouvriers, ce n’est pas leur habileté pratique, c’est qu’ils possèdent la théorie et qu’ils connaissent les causes. Ajoutez que le caractère principal de la science, c’est de pouvoir se transmettre par l’enseignement. Aussi, dans l’opinion commune, l’art, plus que l’expérience, est de la science ; car les hommes d’art peuvent enseigner, et les hommes d’expérience ne le peuvent pas. D’ailleurs, aucune des notions sensibles n’est à nos yeux le vrai savoir, bien qu’elles soient le fondement de la connaissance des choses particulières. Mais elles ne nous disent le pourquoi de rien : par exemple, elles apprennent que le feu est chaud, mais seulement qu’il est chaud.

Ce n’est donc pas sans raison que celui qui le premier inventa un art quelconque au-dessus des vulgaires notions des sens, fut admiré par les hommes ; non pas seulement à cause de l’utilité de ses découvertes, mais à cause de sa science, et parce qu’il était supérieur aux autres. Les arts se multiplièrent, les uns s’appliquant aux nécessités, les autres aux agréments de la vie ; mais toujours les inventeurs de ceux-ci furent regardés comme supérieurs à ceux des autres, parce que leur science n’avait pas l’utilité pour but. Tous les arts dont nous parlons étaient inventés, quand on découvrit ces sciences qui ne s’appliquent ni aux plai-