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s’élèvent qu’à peine jusqu’à l’expérience, le genre humain a, pour se conduire, l’art et le raisonnement.

C’est de la mémoire que pour les hommes provient l’expérience. En effet, plusieurs souvenirs d’une même chose constituent une expérience. Or, l’expérience ressemble presque, en apparence, à la science et à l’art. C’est par l’expérience que la science et l’art font leurs progrès chez les hommes[1]. L’expérience, dit Polus[2], et avec raison, a créé l’art ; l’inexpérience marche à l’aventure. L’art commence, lorsque, d’un grand nombre de notions fournies par l’expérience, se forme une seule conception générale qui s’applique à tous les cas semblables. Savoir que tel remède a guéri Callias attaqué de telle maladie, qu’il a produit le même effet sur Socrate et sur plusieurs autres pris individuellement, c’est de l’expérience ; mais savoir que tel remède a guéri toute la classe des malades atteints de telle maladie, les pituiteux, par exemple, ou les bilieux, ou les fièvreux, c’est de l’art. Pour la pratique, l’expérience ne semble pas différer de l’art, et l’on voit même ceux qui n’ont que l’expérience, atteindre mieux leur but que ceux qui ont la théorie sans l’expérience. C’est que l’expérience est la connaissance des choses particuliè-

  1. « La science dans son ensemble est le résultat de l’expérience de chacun en particulier. » Physic. auscult., l. VII, 3. Bekker, p. 247.
  2. « C’est l’expérience qui donne l’art pour règle à notre vie ; l’inexpérience nous fait marcher au hasard. » Polus, ap. Plat., in Gorg., c. II, éd. de H. Estienne, p. 448. — Polus, d’Agrigente, disciple et ami de Gorgias. Voyez le Gorgias de Platon.