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Et cela peut bien se vérifier encore par les faits. Ainsi il est arrivé que des hommes blessés à la guerre près des tempes, de manière à ce que les pores des yeux fussent tranchés, ont senti survenir une obscurité comme si une lampe s’était éteinte, parce qu’en effet c’était bien une sorte de lampe que le diaphane et ce qu’on appelle la pupille, tranchés en eux par la blessure.

§ 11. Si, dans ces divers cas, les choses se passent comme nous venons de le dire, il est évident qu’il faut aussi rapporter et attribuer chacun des sens à quelque élément de la manière suivante : il faut supposer que la partie de l’œil qui voit est de l’eau, que ce qui entend et perçoit les sons est de l’air, et que l’odorat est du feu. § 12. En effet, ce que l’odoration est en acte, l’organe qui odore l’est en puissance, puisque c’est la chose sentie qui fait que le sens est en acte, de telle

Les pores des yeux. J’ai conservé l’expression même d’Aristote. Il s’agit évidemment des nerfs optiques. — Le diaphane et ce qu’on appelle la pupille. L’action de la lumière et le jeu de la pupille devenaient inutiles du moment que le nerf optique, tranché par la blessure, ne pouvait plus transmettre la sensation jusqu’à l’encéphale.

§ 11. Chacun des sens à quelque élément. Alexandre suppose, et peut-être a-t-il raison, qu’Aristote expose ici, non sa propre pensée, mais celles des philosophes dont il a parlé au début de ce chapitre, § 1, et qu’il a semblé désapprouver, du moins en partie. — La partie de l’œil qui voit est de l’eau. C’est ce qu’Aristote vient de soutenir lui-même, en prouvant avec Démocrite cette opinion, que ne partageaient ni Empédocle ni Platon. Voir plus haut, § 6 et suiv. — Que ce qui entend et perçoit les sons est de l’air. Voir le Traité de l’Ame, liv. II, ch. viii, § 6, où cette théorie est directement soutenue par Aristote et en son propre nom. — L’odorat est du feu. Dans le Traité de l’Ame, liv. II, ch. ix, consacré à la théorie de l’odorat, Aristote ne s’est point prononcé sur ce point ; mais les paragraphes qui terminent le présent chapitre semblent prouver qu’il admet cette théorie.

§ 12. L’organe… l’est en puissance. Voir la même pensée, Traité de l’Ame, II, ix, 8.— La chose sentie qui fait que le sens est en acte, id.,