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que l’une et l’autre alternative soit impossible, il s’ensuit qu’il est impossible aussi qu’il existe quoi que ce soit.

§ 9.[1] Ajoutez, dit encore Gorgias, que s’il existe quelque chose, il faut que ce quelque chose soit un ou plusieurs ; or, s’il n’est ni un ni plusieurs, il en résulte qu’il n’existe rien. Ce quelque chose ne peut être un, parce que l’Un devrait être incorporel. Or, l’incorporel n’est rien, dit Gorgias, suivant, en cela, une opinion qui se rapproche beaucoup de celle de Zénon. L’être n’étant pas un, il n’est pas non plus multiple, à plus forte raison. Mais l’être, n’étant ni un ni plusieurs, n’est pas du tout ; et par conséquent, s’il est ainsi, dit encore Gorgias, c’est qu’il n’est rien. Et, en effet, s’il n’est ni un, ni multiple, c’est qu’il n’est quoi que ce soit.

§ 10.[2] Mais, ajoute-t-il encore, rien n’est en mouvement ; car, si l’être était en mouvement, il ne serait plus ce qu’il est ; l’être alors ne serait plus,[3]

  1. § 9. Dit encore Gorgias, le texte ne nomme pas Gorgias. Il n’y a qu’un verbe à la troisième personne ; voir, pour cet argument nouveau, l’analyse de Sextus Empiricus, plus loin, après les fragments de Mélissus. — Dit Gorgias, l’original ne nomme par Gorgias, non plus qu’antérieurement. — De celle de Zénon, voir plus haut, § 6, et ch. 5, § 3. — Dit encore Gorgias, même remarque que plus haut.
  2. § 10. Rien n’est en mouvement, cette partie des arguments de Gorgias ne se retrouve pas dans l’analyse de Sextus Empiricus. Peut-être ces arguments contre le mouvement appartiennent-ils plus à Zénon qu’à Gorgias ; mais rien n’indique dans le texte que ce soit à Zénon qu’il faille ici les rapporter. — Il ne serait plus ce qu’il est, parce que le mouvement suppose
  3. haut, § 6. J’ai dû prendre les mots de Créé et d’Incréé à défaut de meilleurs dans notre langue ; mais ils ne rendent pas très bien le sens des mots grecs. Si une chose devient, c’est qu’elle n’est pas éternelle, du moins sous le rapport où elle devient et change par conséquent ; si, au contraire, elle est éternelle, elle n’a pas à devenir ; et elle reste ce qu’elle est. — Impossible… impossible, cette répétition est dans le texte ; voir plus loin cet argument beaucoup plus développé dans l’analyse de Sextus Empiricus.