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dont le style lui paraissait trop pompeux et pas assez naturel.

A partir de cette ambassade fameuse, qui fut peut-être suivie d’un retour et même d’un séjour à Athènes, on perd la trace de la carrière de Gorgias. Tout ce que l’on sait, c’est que, sur la fin de sa vie, il demeura en Thessalie, où Isocrate dut aller l’entendre, et qu’il vécut assez longtemps à Larisse, la ville la plus opulente de la contrée, à cause de la puissante famille des Aleuades. Si l’on se rapporte à un bon mot cité par Aristote (Politique, III, ch. 9, page 127 de ma traduction, 2° édition), Gorgias n’aurait pas eu beaucoup d’estime pour le civisme des Larissiens. On ignore si c’est parmi eux que mourut l’illustre sophiste. Quoique devenu fort riche, et assez vaniteux pour déposer sa statue en or dans le temple de Delphes, le professeur de rhétorique paraît avoir été sur le reste d’une tempérance exemplaire ; c’est, dit-on, à sa sobriété extrême qu’il dut sa longévité. C’est sans doute par malice que Lucien prétend que Gorgias, fatigué de vivre, se laissa mourir de faim (Macrobioi, ch. 23, page 643, édition Firmin Didot. )

Gorgias, dans le dialogue de Platon qui porte son nom, ne joue pas un rôle très flatteur. Socrate lui démontre que son art prétendu de la rhétorique n’en est pas un, tel qu’il le suppose, et il le couvre de confusion en le faisant tomber dans des contradictions manifestes, et en le forçant de prendre parti pour l’iniquité et la violence. Gorgias, dont la cause n’est pas bonne, la défend mal. Seulement il y met beaucoup plus de mesure et de bon goût que Polos, et surtout que Calliclès, qui poussent à bout des idées qu’ils ne comprennent pas bien, et qui se font les partisans aveugles