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DISCOURS

Le bonheur ne consiste donc pas, comme le vulgaire se l’imagine faussement, dans la poursuite des plaisirs des sens toujours imparfaits, si vifs qu’ils puissent être, et dont on devient sans cesse plus avide à mesure qu’on s’y livre davantage, et qu’on sent mieux, cependant, leur insuffisance ou leur néant. Il ne consiste pas dans l’accumulation des richesses, qui n’ont d’autre mérite que d’être un moyen facile de se procurer ces plaisirs si vains et si trompeurs ; dans les triomphes, encore plus faux, s’il est possible, et plus mensongers, d’un orgueil qui ne parvient à se faire illusion sur sa propre bassesse, qu’en abaissant ou croyant avoir abaissé autour de lui tout ce qui est véritablement noble et grand. Enfin, il se trouve moins encore dans la possession d’un pouvoir exagéré, dont l’effet inévitable est d’environner celui qui en dispose d’une multitude de lâches adulateurs, sans cesse empressés à irriter ses passions les plus perverses, ses désirs les plus insensés.

Platon vit facilement que c’est précisément cette fausse idée du bonheur, cette avidité insatiable des jouissances des sens, où de la vanité, ou de l’ambition, qui égare la plupart des hommes, ou du moins le plus grand nombre de ceux qui par leurs talents, par l’énergie de leur caractère, et par les circonstances de leur [situation, semblent appelés à exercer le plus d’influence dans PRÉLIMINAIRE. xxiij